
Sandro s'appuya contre le pilier suivant, face à moi, à cheval sur le même muret, une noix de coco entre les cuisses, dénichée je ne sais où et déjà découpée. Charles me mit en main un verre de Whisky plein à ras bord et versa la même quantité de gin à Sandro. Il alluma une cigarette, s'assit à califourchon sur une chaise basse, à mi-distance de ses hôtes et glissa sous son siège un lecteur de cassettes à piles. Peut-être aurions-nous simplement attendu l'orage en nous saoulant lentement s'il n'y avait eu, après le déclic de la touche enfoncée, cette musique, inattendue, déplacée, exotique, et pourtant si adaptée à l'extinction du ciel, à la lourdeur de l'air, à nos dos humides, à l'euphorie sombre de l'alcool, qu'elle parut traduire nos secrets d'hommes solidaires solitaires assis en triangle sur la terrasse. La suite fut en effet comme un ensorcellement.